380 moutons, 2 ânes et 3 chiens. Durant tout l’hiver, Daniel et Fabienne parcourent avec leur troupeau les montagnes du Jura suisse dans une transhumance unique en Europe. Tous deux bergers, ils arpentent routes et chemins, sous la neige souvent, à la recherche de pâturages où faire paître leur bétail. La nuit, leur seul abri est une roulotte en bois, sans eau ni électricité. Cette transhumance hivernale a lieu chaque année de novembre à mars. Trente troupeaux (de 100 à 1200 moutons) se déplacent en ce moment, entre le Jura et le plateau suisse romand. Cette pratique pastorale est ancestrale: certains éleveurs, par manque de fourrage ou par conviction du bio, confient leur troupeau à des bergers, chargés de les engraisser au grand air. Daniel et Fabienne ont, eux, été recrutés par Claudia, une éleveuse installée à Soubey, à deux pas de la frontière franco-suisse. Elle a toujours fait transhumer ses bêtes en hiver: selon elle, la viande et la laine sont de bien meilleure qualité. Durant six jours, Jéromine Derigny et moi avons partagé le voyage de ces deux bergers. En les accompagnant à travers champs et pâturages, entre monts et vallons enneigés, nous avons éprouvé leur vie de nomades, à l’écart du monde sédentaire, cherchant chaque jour, auprès des communes et des fermiers, le droit de faire paître leurs moutons, menacés par le loup et le lynx rôdant dans les parages.  Aussi rude soit-elle, cette transhumance est une éloge de la lenteur où le troupeau ne parcourt pas plus de 3 kilomètres par jour. Elle est aussi une ode à la nature, une odyssée au cœur d’un territoire sauvage et préservé.

Auteurs

Arnaud Guiguitant journaliste

Jérômine Derigny photo-journaliste